Grand Prix Scientifique 2025
Mercredi 18 juin 2025
Créée en 1999, la Fondation NRJ - Institut de France se fixe pour objet de concourir à la recherche médicale, notamment dans le domaine des neurosciences. Chaque année, elle récompense une équipe française ou travaillant en France ayant acquis une notoriété internationale dans le domaine des neurosciences, pour lui permettre d’accroître ses moyens d’action. En 2025, le Grand Prix scientifique est séparé à parts égales entre deux lauréats.
PETER VANHOUTTE et OLIVIER MANZONI
LAURÉATS DU PRIX SCIENTIFIQUE 2025
PETER VANHOUTTE
Peter Vanhoutte est directeur de recherche au CNRS au Centre de neuroscience de Sorbonne Université (CNRS/Inserm/Sorbonne Université) à Paris. Il a réalisé sa thèse sur le rôle de la signalisation MAPK/ERK dans la plasticité neuronale sous la direction du Dr Jocelyne Caboche, un travail récompensé par le Prix de Thèse de la Société française des neurosciences en 2001. Grâce à une bourse postdoctoraleeuropéenne Marie Curie, il rejoint l’équipe du Dr Hilmar Bading au Medical Research Council de Cambridge, puis à l’université d’Heidelberg, où il a approfondi ses connaissances, notamment sur le rôle des récepteurs NMDA dans les adaptations neuronales à long terme.
Recruté au CNRS en 2003, il dirige depuis 2010 une équipe développant une recherche intégrative alliant études des voies de signalisation, imagerie et comportement, pour identifier les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans les troubles psychiatriques, notamment l’addiction. Ses recherches sur la signalisation intracellulaire et les interactions protéine-protéine ont donné lieu à plus de 50 publications. Il est également co-inventeur de cinq brevets à l’origine de la création, en 2016, de la société de biotechnologie Melkin Pharma, qu’il a cofondée. Ce parcours reflète un engagement constant en faveur de la recherche fondamentale et de ses applications.
Prix et distinctions
2001 — Prix de Thèse de la Société française des neurosciences
2013 — Prix d'excellence scientifique du CNRS
Projet récompensé
Le Grand Prix scientifique de la Fondation NRJ - Institut de France est attribué à Peter Vanhoutte, directeur de l’équipe « Signalisation & Comportements Adaptatifs » au Centre de neuroscience de Sorbonne Université, pour ses travaux sur les bases moléculaires et cellulaires de l’addiction. Son équipe mène une recherche multidisciplinaire combinant biologie moléculaire, imagerie, électrophysiologie et études comportementales. L’objectif est d’identifier des mécanismes cellulaires et moléculaires déclenchés par les drogues et de développer des outils innovants pour les bloquer. Cette démarche vise à établir d’éventuels liens de causalité entre altérations moléculaires et comportements addictifs et à développer ainsi de nouvelles stratégies à visée thérapeutique.
Les substances addictives augmentent artificiellement la concentration de dopamine dans le noyau accumbens, une région clé du circuit de la récompense. Cela modifie durablement la transmission neuronale impliquant un autre neurotransmetteur appelé glutamate, et engendre ainsi des comportements addictifs. L’une des contributions de l’équipe est la mise en évidence d’une interaction – appelée hétéromérisation – entre les récepteurs de la dopamine et du glutamate qui est exacerbée dans par les psychostimulants chez le rongeur et l’homme. Le développement d’outils moléculaires a permis de montrer que cibler ces hétéromères de récepteurs inhibe les réponses induites par la cocaïne et la morphine, tout en préservant les comportements guidés par des récompenses naturelles. En aval, cette hétéromérisation contrôle l’activation de la voie de signalisation ERK, bien connue pour son rôle dans les effets des drogues, mais déclenche également des influx de calcium dans le noyau des neurones dont le rôle était inconnu dans les réponses aux drogues. L’équipe a établi que la signalisation dépendante du calcium nucléaire joue un rôle majeur dans les adaptations durables induites par la cocaïne.
Ces découvertes ouvrent des perspectives de futurs développements thérapeutiques pour traiter l’addiction et d’autres troubles psychiatriques, notamment la dépression majeure, liés à une altération des systèmes dopaminergique et glutamatergique.
OLIVIER MANZONI
Après son doctorat à l’université de Montpellier en 1992, Olivier Manzoni réalise un post-doctorat à l’université de Californie à San Francisco, où il étudie la plasticité synaptique de l’hippocampe. De retour à Montpellier, il explore la physiologie synaptique et l’impact de la cocaïne sur le noyau accumbens. Lauréat du programme NIDA/Invest (1997-1999), il est chercheur invité au Vollum Institute à Portland, où il analyse l’effet de la morphine et de la cocaïne sur les neurones dopaminergiques. Son équipe découvre le rôle du système cannabinoïde endogène dans la plasticité synaptique. Lauréat Avenir Inserm en 2002, il crée une unité de recherche à Bordeaux, centrée sur la physiopathologie synaptique. Son équipe démontre qu’une seule consommation de cannabis ou de cocaïne perturbe la plasticité synaptique pendant plusieurs jours et identifie les mécanismes cellulaires sous-jacents. Grâce à des modèles translationnels, elle met en évidence des marqueurs neuronaux liés à la progression vers l’addiction. En 2010, il rejoint l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée à Marseille, où il dirige jusqu’en 2023 des recherches sur la vulnérabilité développementale aux pathologies neuropsychiatriques. Entre 2017 et 2022, il coordonne le Laboratoire international associé Cannabinoid Neuroscience Research avec l’université d’Indiana, mettant en lumière les effets du cannabis sur le neurodéveloppement selon le sexe. Depuis 2024, il est directeur adjoint à la recherche de l’Institut NeuroMarseille, rattaché à Aix-Marseille Université. Depuis 2018, il est également chercheur associé à l’université de l’Indiana à Bloomington et a été, en 2018, professeur invité l’université de Cagliari en Italie.
Prix et distinctions
1997 — Lauréat NIDA/Invest program USA
2010 — Lauréat NARSAD Independent Investigator, “Endocannabinoid system in Fragile X”
2015 — Lauréat équipe FRM « Cannabis et adolescence »
2017 — Lauréat du National Institutes of Health USA, "Sex specific critical periods determine the effects of cannabinoids on the mesocorticolimbic system"
2018 — Lauréat du National Institutes of Health USA, “Perinatal cannabinoids delay KCC2 expression and lead to neurodevelopmental abnormalities”
2019 — Lauréat, partenaire d'un projet Européen ENI-CBC : "New Business opportunities & Environmental sustainability using MED GRAPE nanotechnological products"
Projet récompensé
Ce projet s’appuie sur le concept des écophénotypes maltraités pour explorer comment le cerveau et le comportement de la progéniture s’ajustent à un environnement maternel perturbé. Les addictions maternelles - notamment au cannabis et à l’alcool - associées à des stress psychosociaux tels que la pauvreté, sont souvent liées à des comportements de négligence pendant les premières étapes de la vie, ce qui peut altérer le développement de la descendance. L’objectif du projet est donc d’identifier, à partir de modèles rongeurs, les mécanismes neurobiologiques et comportementaux par lesquels ces environnements périnataux défavorables influencent la descendance.
Pour répondre à cette problématique, le projet adopte une approche longitudinale et multidisciplinaire. Il combine des analyses comportementales, l’utilisation de l’intelligence artificielle via l’apprentissage profond, l’imagerie cérébrale et l’étude de la physiologie synaptique. Cette stratégie innovante permettra d’identifier les adaptations cérébrales spécifiques et les mécanismes de défense mobilisés en fonction de l’âge et du sexe, face aux facteurs de risque majeurs que sont la négligence maternelle et l’exposition prénatale aux substances psychoactives les plus consommées par les femmes enceintes : le cannabis et l’alcool.
Trois modèles validés de neurodéveloppement pathologique, appliqués individuellement ou en combinaison, seront étudiés. Ils incluent l’exposition prénatale aux principaux composés actifs du cannabis, tels que le Delta9 THC et le CBD, ainsi que l’exposition prénatale à l’alcool. Par ailleurs, un modèle animal chez les rongeurs simule des conditions de négligence maternelle, caractérisées par des soins fragmentés et imprévisibles similaires à ceux observés chez l’humain.
Membres du jury
— M. Yves Agid, membre de l’Académie des sciences, président du jury
— M. Joël Bockaert, membre de l’Académie des sciences
— M. Alain Chédotal, membre de l’Académie des sciences
— M. Jean-Antoine Girault, directeur de recherche à l'Inserm
— M. Michel Lejoyeux, professeur à l'université Paris Cité, président de la Commission nationale de psychiatrie
— M. Giovanni Marsicano, chercheur Inserm au Neurocentre Magendie à Bordeaux
— M. Jean Rossier, membre de l'Académie des sciences